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19 août 2014

Vous avez dit compétences ?

Le discours sur la notion de compétence s’impose aujourd’hui dans de nombreuses sphères de l’activité humaine (Boutin, 2004). D’abord employée par les psychologues pour repérer les caractéristiques qui influencent la performance au travail, l’essor de cette notion est attribuable aux mutations qui se sont produites au sein des organisations. Celles-ci ont progressivement révisé la référence faite aux qualifications des travailleurs pour se tourner plutôt vers les capacités qu’ils doivent chercher à acquérir, à diversifier, à approfondir et à démontrer en vue d’accroître leur employabilité (Coulet, 2011) dans un marché du travail de plus en plus complexe et qui exige simultanément performance et flexibilité (Hirt, 2009).
Plusieurs définitions de la notion de compétence coexistent et elles sont souvent assez différentes les unes des autres. Cela fait en sorte que sa signification demeure relativement floue (Boutin, 2004; Brahimi, Farley et Joubert, 2011; Coulet, 2011; Hirt, 2009; Westera, 2001)
Des questions se posent alors :
Doit-on en parler au pluriel ou au singulier? 
Faut-il en privilégier une acception plutôt cognitive, sociale ou encore mixte? 
Doit-on considérer la (les) compétence (s) comme une (des) disposition (s)  naturelle (s) ou comme une (des) construction (s) résultant d’un processus formation et de l’expérience? 
Les compétences sont-elles individuelles ou distribuées? 
Est-ce un produit observable, une performance, ou y accède-t-on par le biais d’une série d’inférences? 
Les compétences sont-elles générales ou situées?  
La compétence ne se manifeste-t-elle qu’en situation inédite ou l’action routière est-elle, elle aussi, une action compétente mais fortement intériorisée, incorporée? 
Autant de questions qui restent encore sans réponses vraiment satisfaisantes.
Au cours des 15 dernières années, le développement de compétences est devenu, ou plutôt, redevenu après la vague de la competency-based education des années 1960 à 1980 reposant sur le béhaviorisme, un enjeu central de l’enseignement et de l’apprentissage à l’école (Tardif, 2004; Tremblay, 2008; Westera, 2001).
Ce retour des compétences a de multiples origines: le monde de l’entreprise bien entendu et celui de la formation professionnelle, la crise de confiance face à la valeur des services éducatifs dispensés à l’école (Desbiens, 2003; Hirt, 2008), une critique de l’approche par objectifs (Brahimi, et al., 2011), mais aussi l’influence montante du cognitivisme et de la conviction que l’accumulation d’un vaste répertoire de connaissances n’est pas une garantie de réinvestissement effectif dans une action compétente contextualisée.
Choisissant de recentrer l’attention sur l’élève et son apprentissage plutôt que sur l’enseignant et son enseignement, opposant une certaine idée « traditionnelle » de la pédagogie à une « nouvelle » pédagogie et confrontant une approche où les savoirs demeureraient (supposément) inertes à une autre où ils seraient convoqués au travers de situations dites signifiantes, ce qu’il convient d’appeler l’approche par compétence(s) (APC) a mis de l’avant l’idée que l’acte d’apprendre « (…) est plus une construction qu’une transmission, nécessite des interactions humaines, est un acte social qui s’inscrit dans un contexte, inspire la décision et l’action, est porté par un projet qui donne du sens » Mérenne-Shoumaker (2006, p. 14).
Au risque d’amener nombre d’enseignants à penser que ce qu’ils faisaient depuis tant d’années n’était pas adéquat, l’APC a provoqué et provoque encore d’intenses réflexions sur les pratiques d’enseignement, la sélection des savoirs dits essentiels, la définition de profils de sortie et les conditions à mettre en place pour conduire les élèves et les étudiants au succès.
Le débat continue et ne semble pas prêt de s’apaiser.

Quelques références

Boutin G. (2004). L’approche par compétences en éducation : un amalgame paradigmatique. Connexions, 81(1), 25-41.
Brahimi, C., Farley, C. et Joubert, P. (2011). L’approche par compétences. Un levier de changement des pratiques en santé publique au Québec. Québec : Institut national de santé public du Québec.
Coulet, J-C. (2011). La notion de compétence : un modèle pour décrire, évaluer et développer les compétences. Le travail humain, 74(1), 1-30.
Desbiens, J-F. (2003). Mutations des contextes socioéducatifs et socioprofessionnels et développement des savoirs professionnels en enseignement de l’éducation physique. In C. Borges et J-F. Desbiens (dirs), Savoir, former et intervenir dans une éducation physique en changement (pp. 91-120). Sherbrooke : Éditions du CRP.
Hirt, N. (2009). L’approche par compétences : une mystification pédagogique. L’école démocratique, 39, septembre, 1-34.
Mérenne-Shoumaker (2006). Développer une approche par compétences dans la formation universitaire. Bilan de trois expériences en géographie urbaine et économique. Bulletin de la Société géographique de Liège, 48, 7-17.
Tardif, M. (2004). Entrevue avec Marie-Françoise Legendre. Formation et profession, août, 8-15.
Tremblay, R.-R. (2008). Beyond the opposition between knowledge and competencies. Reflections on the competency-based approach and general education. Pédagogie Collégiale, 22(1), 1-7.
Westera, W.. (2001). Competences in education: a confusion of tongues. Journal of Curriculum Studies, 33(1), 75-88.

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